Ora, labora, telle est la devise

Discours du 1eraoût 2018 prononcé à Vevey par Etienne Rivier, Municipal

Monsieur le Président du Conseil communal, Madame la Syndique, Monsieur le Syndic de Corseaux,

Mesdames et Messieurs les Conseillers Municipaux, Mesdames et Messieurs les Conseillers communaux, Mesdames et Messieurs en vos titres et fonctions, Chers Confédérés qui nous font l’amitié d’être présents, Chers Amis étrangers, Chers Veveysanes et Veveysannes, Mesdames et Messieurs,

Au nom de la Municipalité de Vevey, j’ai le plaisir  de vous saluer  en me réjouissant  de célébrer avec vous ce 1eraoût 2018 sous la Grenette face au lac.

Je vous propose de partager avec vous quelques réflexions historiques puis une brève analyse de la situation de la Suisse aujourd’hui, surtout d’un point de vue international.

Monsieur Rizzello vient de relire le pacte de 1291 : il est considéré comme le plus ancien accord écrit entre cantons qui ait été conservé. Toutefois les historiens  pensent que la véritable identité confédérale  se situe plus tard  au XVème siècle  avec l’alliance  des villes de Berne, Lucerne et Zurich qui furent  les premières à s’affranchir  des prétentions territoriales  de la noblesse  et des Habsbourg d’Autriche. La Confédération de 1513, se composant   de 13 cantons s’affirme comme petit Etat européen[1]. Elle a des vues sur le Tessin, surtout pour s’assurer la maitrise des grands axes alpins. 

Après de multiples alliances sans véritable succès, la Suisse entre  en conflit avec François 1eret finalement  perd  la bataille de Marignan en 1515 au sud de Milan. Elle signe une « paix perpétuelle » avec la France. C’est la fin de la puissance militaire suisse et un premier pas vers la neutralité. La confédération n’interviendra plus hors de ses frontières[2]. Sautons trois cent ans  pour vous rappeler la défaite de Napoléon 1er à Waterloo, et le Congrès de Vienne de 1815 : les vainqueurs de la France veulent s’en protéger  en l’entourant d’états tampons, dont la Suisse. Le Traité de Paris est signé en 1815, les alliés y consacrent l’inviolabilité de la Suisse et sa neutralité perpétuelle. La Suisse est passée de treize à vingt-deux cantons[3].

Dans un même élan pourrait-on dire, la Constitution fédérale de 1848 transforme la Suisse en un Etat fédéral centralisé, avec suppression des barrières douanière entre cantons, reprise centralisée de la poste, organisation de l’armée suisse, création d’une monnaie unique, à savoir le franc suisse et unification de poids et mesures[4]. Et vous l’avez noté, cette année nous fêtons les 170 ans de cette constitution quasi révolutionnaire à l’origine de la Suisse moderne, avec un marché intérieur unique, qui amènera la prospérité, et dès 1870 un véritable boom économique jusqu’à la veille de la première guerre mondiale[5], ceci en grande partie grâce à ses exportations. Et aujourd’hui ? 

Aujourd’hui, pour maintenir sa présence sur le plan international et sa compétitivité, et indépendamment des grandes institutions internationales, la Suisse doit relever un défi majeur : ses rapports avec l’Union européenne (UE) : 

Rappelons que le 6 décembre 1992, le peuple suisse rejetait par 50,3% des suffrages, une claire majorité des cantons de 16 contre 7 et un taux de participation exceptionnellement élevé de 78.7% l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen, l’EEE[6]. La Suisse décide de négocier domaine après domaine et en 1999 une série de sept Accords bilatéraux Isont signés, dont le premier sur la libre circulation des personnes, Ces accords sont liés par la clause guillotine, la dénonciation de l’un entrainant la dénonciation de tous les autres dont en particulier les transports aériens. Ces accords ont permis l’accès au marché unique européen et favorisa  l’économie suisse fortement tournée vers l’exportation.

Neufs autres dossiers furent négociés par la suite soit les Accord bilatéraux IIsans clause guillotine, dont les plus connus sont Schengen (facilitation des voyages), Dublin (coordination en matière d’asile), Fiscalité de l’Epargne (lutte contre l’évasion  fiscale  puis l’accord sur l’échange automatique de renseignements)[7].

Mais : le  9 février 2014, soit 22 ans après le rejet de l’EEE, en acceptant l’initiative « Contre l’immigration de masse », le peuple et les cantons se prononcent  en faveur d’une meilleure gestion et limitation de l’immigration tenant compte des intérêts économiques globaux de la Suisse[8].

Cette décision marque le début d’une période d’incertitude en remettant en cause la politique migratoire en place ainsi que les relations entre la Suisse et l’UE. En effet, la gestion de l’immigration fondée sur des plafonds et des contingents annuels telle que voulue par l’initiative n’est pas compatible avec les clauses de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) conclu entre la Suisse et l’UE en 1999. En parallèle, la Suisse souhaite renforcer et développer la voie bilatérale. Relevons que ce n’est pas moins de 120 accords institutionnels qui lient la Suisse et l’UE. L’imbrication de la Suisse et l’UE est donc unique et d’une rare complexité, au point que l’UE veut que soit conclu avec la Suisse un accord- cadre institutionnel Le 23 novembre 2017 à Berne, Mme Doris Leuthard, alors présidente de la Confédération reçoit Monsieur Jean-Claude Junker président de la Commission européenne. Ce dernier dit clairement que l’UE attend depuis 2014 la signature d’un accord-cadre institutionnelle, or  rien de concret n’est proposé, rien  n’est conclu, si ce n’est la promesse d’un milliard de francs suisses dit de cohésion. Pire, le 15 décembre l’UE décide qu’elle n’accorde la reconnaissance boursière à la Suisse que de façon limitée soit pour une année alors qu’elle accorde cette reconnaissance de façon illimitée pour les autres places boursières. Nous sommes donc très loin d’un accord institutionnel entre la Suisse et l’UE et les menaces de l’UE de se couper de la Suisse sont devenues très précises.  Je vous recommande à ce propos de vous intéresser au Livre blanc Suisse – Six esquisses d’avenir publié en mai 2018.Certes la Suisse entretient des relations commerciales de libre–échange avec nombreux autres pays hors de la zone européenne, mais le commerce extérieur (CE) suisse vers l’UE représente 62% de son commerce extérieur et 38% vers le reste du monde. A l’inverse le commerce extérieur de l’UE vers la Suisse   ne représente que 8% du CE contre 92% vers le reste   du monde[9].    

Monsieur Johann Schneider –Amman revient d’Asie[10], ses objectifs sont d’augmenter le plus possible les accords de libre-échange entre la Suisse et le reste du monde, il cite la Chine, l’Indonésie, peut-être le Vietnam, la Malaise ou le Canada pour 2019. Il s’est donné aussi pour objectif avant son départ pour la Chine en septembre de consulter de façon urgente les cantons et tous les milieux économiques, politiques et syndicaux car la signature d’un accord est attendue par l’UE d’ici la fin de l’année. Aujourd’hui dans le cadre de notre démocratie directe, il est essentiel que chaque Suisse  se préoccupe de cette problématique, plusieurs études relevant notre tendance à préférer le statu quo ambiant, notre auto complaisance[11]et à l’immobilisme, nous devons apprendre à sortir de notre zone de confort !

D’ailleurs Monsieur Pascal Couchepin aurait dit récemment dans une interview au « SonntagsBlick » à propos de la règle dite des 8 jours : « les dogmes ça ne fonctionne pas en politique ! »[12]

 

Permettez-moi cette conclusion : Dans un peu moins d’une année nous célébrerons la Fête des Vignerons, centrée sur le travail du Vignerons tâcheron mais à mes yeux cette fête sera, je l’espère, cette occasion unique nous permettant d’élargir notre horizon, et à ce propos je vous rappelle la devise de la Confrérie des Vignerons que nous pouvons sans risque faire nôtre en tant que Suisse : ora et labora.  Ora, prie, dans notre interprétation moderne cela signifie ouvre-toi, élargis ton univers, mets-toi à l’écoute le monde   et labora : implique-toi, prends ta part du travail ! Prends un risque ! 

Je vous remercie de votre attention. 

Discours prononcé par Etienne Rivier, Municipal à Vevey, le 1.8.2018.

 


[1] Livre blanc Suisse – Six esquisses d’avenir © Mai 2018 Avenir Suisse, Zurich, p 18
[2] Grégoire Nappey, Mix et Remix. Histoire suisse  © LEP Editions loisirs et pédagogie SA 2017, p 27
[3] Ibidem p 46-48
[4] Ibidem p 54
[5] Livre blanc Suisse – Six esquisses d’avenir © Mai 2018 Avenir Suisse, Zurich, p 25
[6] Ibidem p 36
[7] Ibidem p 42 - 45
[8] Ibidem p 44
[9 ]Livre blanc Suisse – Six esquisses d’avenir © Mai 2018 Avenir Suisse, Zurich, p 49
[10] Le Temps, mercredi 18 juillet 2018 -  B.Wuthrich et coll : « La route de la soie n’est pas une utopie »
[11] Livre blanc Suisse – Six esquisses d’avenir © Mai 2018 Avenir Suisse, Zurich, p 53
[12] 24heures- lundi 30 juillet 2018 : F.QZ : « Couchepin s’immisce dans la question européenne «